Bichette

    Un piège s'est refermé sur moi sans que je voie rien venir

    Comme on coupe une fleur sans la cueillir, l'assèche entre deux pages sans lire

    J'ai cru reconnaître une image terrifiante à la lumière d'un éclair

    Mais l'orage a bien vite éloigné ces pensées et a su appaiser tous ces signaux partis en fumée

    "Si je t'embrasse, tu n'auras pas besoin d'ouvrir les yeux"

    Était-ce seulement la phrase d'une après-midi ?

    Il me semble pourtant que c'était le fil rouge du leurre pour notre vie


    UN.

    Tu as profité de mon corps malade qui combattait une overdose, tu m'as demandé si j'allais bien, tu savais donc bien que non, ne prétends pas le contraire.
    Tu as osé te plaindre que mes signaux n'étaient pas clairs comme si je n'étais pas concentré sur l'idée de ne pas gerber, et fais comme si m'approcher était un service.
    Tu as blâmé la drogue pour ta proximité, pour ton toucher, et tu as commencé à sexualiser ce que j'ai entre les jambes comme si tu ne connaissais rien à la dysphorie.
    Puis tu m'as dit que c'était une bonne surprise, que tu ne t'attendais pas à ce que je sois réceptif puisque tu "croyais" que j'étais asexuel.


    DEUX.

    J'étais le premier à te taquiner sur le lit, mais sans rien dire, tu t'es retourné et tu m'as plaqué violemment contre le matelas.
    Pas de protection, comme si le fait que j'aie déjà accepté par le passé signifiait que c'était éternellement décidé.
    Sans m'adresser la parole une seule fois, tu m'as violé, puis quand tu avais fini, tu t'es excusée de "m'avoir monté".
    Le langage qui entourait l'acte était animalier, et tu as blâmé une perte de conscience sur l'instinct animal d'un chien en réponse à mes premiers actes.


    TROIS.

    Après ma douche, j'ai eu cette crise un peu violente, en peignoir sur le canapé, où je répétais mériter la mort, dans un état second de dissociation.
    Tu as décidé de t'engager dans du sexe oral, et tu m'as forcé à réciproquer, en me disant de "travailler un peu pour une fois", appelant mes préférences sexuelles habituelles de la "paresse".
    Après l'acte, j'étais revenu à moi, je me suis excusé pour la dissociation comme si j'avais fait quelque chose de mal, et tu m'as dit que tout ceci était la seule méthode que tu connaissais pour me ramener à moi.


    QUATRE.

    J'ai pleuré de frustration parce que je ne savais pas exprimer mes envies et qu'en même temps j'avais l'impression que montrer de la frustration était manipulateur.
    J'ai eu peur que mon attitude influence ton avis et te force à coucher avec moi, et je t'ai confié cette peur ; avec le recul, c'était de toute façon une erreur puisqu'aucune réaction de ta part ne pourrait corriger cette peur.
    C'est avec quelqu'un d'autre que j'aurais dû parler de ces angoisses, mais de toute façon, pour me convaincre que je ne te forçais pas la main, tu t'es imposée violemment sur moi.


    CINQ.

    J'ai trouvé le salon d'une coiffeuse nigérienne en ville qui m'a tressé pour la première fois et j'en étais si heureux.
    Tu as vu le résultat et tu m'as dit que j'étais sexy, encore, et encore, et encore, jusqu'à ce que ça devienne très bizarre.
    Tu m'as fétichisé, et moi, au contraire, j'ai commencé à me sentir de moins en moins attirant, parce que tout cela était extrêmement bizarre.
    Alors encore une fois dans cette démarche de me prouver que j'avais tort, tu m'as tiré par les jambes pour les ouvrir et t'y insérer.


    SIX.

    Assise à côté de moi pendant que je regardais un film ou une série, tu as décidé de te masturber.
    J'ai tourné la tête d'abord sans rien voir et quand tu m'as dit d'un ton plaintif que tu "n'étais pas bizarre", j'ai remarqué du coin de l'œil ce qu'il se passait.
    Je me suis ratatiné sur moi-même et j'ai gardé le silence, et tu as continué sur ce même ton de plainte à me dire que c'est simplement que tu étais très excitée, comme si ce n'était pas une action délibérée que tu contrôlais.


    SEPT.

    Tu l'as fait une deuxième fois, quand on a dormi ensemble dans une maison d'hôte, et que j'étais encore allongée dans le lit.
    Cette fois-là, j'ai dissocié gravement, et je n'ai fait que répéter que je ferai ce que tu veux à tout ce que tu pouvais me dire ; tu as donc déclaré que tu allais arrêter de me parler puisque je te faisais te sentir "comme une agresseuse".
    J'ai pris sur moi, tu m'as demandé si cette réaction était parce que "you were jorking it" ; j'ai dit oui, tu t'es excusée parce que tu ne savais pas que ça me mettrait en crise.
    J'ai dû t'expliquer que ça n'avait pas d'importance et que le problème était de toute façon de te masturber comme cela à côté de quelqu'un ; tu m'as dit que tu ne savais pas que c'était mal puisque tu ne touchais personne d'autre.


    HUIT.

    J'étais triste et je me suis allongé sur mon lit sur le ventre, l'air déprimé, parce que j'étais au fond du trou.
    Tu m'as demandé si on pouvait coucher ensemble ; j'ai haussé les épaules en pleurant, suivi d'un timide "si tu veux" à peine audible.
    Donc tu t'es exécutée, sans faire attention ni au fait que je pleurais, ni au fait que j'étais totalement silencieux et immobile.
    Il t'a fallu des minutes pour me demander si j'allais bien.


    NEUF.

    Tout allait bien, puis sans rien me demander tu es passé du vaginal à l'anal.
    J'ai versé des larmes ; j'avais mal ; il n'y avait même pas de lubrifiant.
    Je t'ai dit que j'avais mal, alors tu es repassé au vaginal sans même verbalement reconnaître quoi que ce soit de la situation, et sans non plus te soucier du risque d'infection.


    DIX.

    Je suis allé aux toilettes pour uriner comme tout le monde le fait.
    Tu t'es déshabillée parce qu'un cachet que tu avais pris te donnait chaud, et tu as ouvert la porte des toilettes pendant que j'y étais pour me dire que je te manquais et que tu devais absolument me voir immédiatement.
    Tu m'as dit que tu étais obligée d'être nue et pas autrement, puis tu as insisté pour me voir et me parler de libido et de sexualité très en détails, t'excusant de temps en temps si ça me mettait mal à l'aise sans pour autant t'arrêter.
    Tu as tellement continué et tu m'as collé que j'ai fini par me droguer pour réussir à supporter.


    ONZE.

    Même quand j'étais consentant, tu me disais que c'était irresponsable de ma part de te dire oui parce que sinon tu finirais comme une "chienne mal dressée".


    DOUZE, TREIZE, QUATORZE…

    J'ai arrêté de compter ; certaines occurrences n'étaient pas uniques.
    Tu sexualisais et commentais mon corps de façon constante, de mes organes à ma sueur, au point que j'ai accéléré soudainement les démarches pour la torsoplastie, que je ne sois plus jamais perçu.
    Tu blaguais sur mon sujet, tu suggérais que j'allais draguais l'entièreté de ma promo à l'université, tu as même suggéré que je les agresserais.
    Tu sexualisais même les plats que tu me préparais, et chaque fois que je m'énervais, tu pleurais, tu prenais le rôle de victime ou tu essayais de me convaincre que j'avais mal compris.
    Je ne comprenais jamais rien de toute façon, n'est-ce pas ?


    Le recul continue de me conférer une rage que je ne savais pas exister en moi

    Au fur et à mesure que je démêle le vrai du faux et les inombrables larmes versées sur mon épaule

    J'ouvre les yeux comme mon coeur palpite et je me meurs comme les souvenirs me reviennent

    L'audace de pleurer en te flagellant et en maintenant que tu ne t'étais pas rendu compte

    Pourtant quelle place à l'incertitude dans ces faits que je raconte ?

    La plus généreuse des interprétations elle-même ne saurait te trouver d'excuse

    Et des excuses, tu en as déclaré tellement, avant même que je t'en veuille - pourquoi donc, si tu ne savais supposément pas ?


    C'était la bêtise, c'était le côté animal ;
    C'était la ganja, l'alcool, la mdma ;
    C'était l'autisme ; c'était même la dysphorie quand tu te sentais mal et que je devais te réconforter ;
    Ce n'était certainement jamais toi.
    Au contraire, c'était même moi, puisque tu as osé me dire que tu n'aimais pas le sexe et ne le faisais pas pour toi